A l'aube de la nouvelle saison, les deux hommes forts des "Rouge & Bleu" nous parlent du groupe et de leur métier...
Dans quelles conditions physiques avez-vous retrouvé vos joueurs lors de la reprise ?
AM : Cette saison nous avons un effectif qui a un peu rajeuni. J’ai trouvé le groupe assez homogène. Honnêtement, je n’ai pas signalé de gros décalages, comme j’ai pu le voir sur d’autres saisons avec des cas particuliers. Dans la mesure où le groupe est plus jeune, nous avons forcément plus de facilité au niveau des qualités physiques et donc moins de gestion à faire, comme cela peut être le cas avec des joueurs plus âgés. Les joueurs étaient plutôt en forme quand ils sont arrivés. Ils ont bien encaissé les charges de travail. Globalement, ils ont trouvé que la préparation physique était un peu plus difficile que la saison passée, mais c’était souhaité ! Je suis assez satisfait sur leurs capacités cardiovasculaires, de force ou même sur la gestion de leurs poids.
Le style de jeu souhaité par l’entraineur, entre-il en compte dans l’élaboration de votre programme de préparation ?
AM : A ce jour, dans le rugby moderne, nous faisons face à des athlètes qui ont des fonctionnalités sensiblement les mêmes. Ces dernières sont différentes selon les postes occupés, certes, donc nous prenons en compte le jeu souhaité par l’entraineur mais rien n’est figé de façon drastique.
MR : Nous sommes dans l’obligation de nous adapter au style de jeu voulu par les entraineurs. Qu’il s’agisse d’un avant ou bien d’un trois quart, les rugbymen sont des athlètes assez complets, ils sont capables de se déplacer rapidement, d’être fort, d’être puissant. Oui, nous prenons en compte le ou les systèmes de jeu mais nous devons les faire travailler sur les qualités attendues par le rugby d’aujourd’hui.
Est-ce que la data a fait évolue votre métier ?
AM : Nous sommes beaucoup sur les données aujourd’hui, dans le sens où elles sont un outil indispensable pour avoir un feed-back concret sur ce que nous proposons lors des entrainements. Si je souhaite que les joueurs produisent beaucoup de vitesse, mon simple regard ne suffira pas à l’échelle de tout le groupe. Le GPS va pouvoir me dire ce qu’il en est de façon plus précise. C’est un élément incontournable qui nous permet d’avoir un travail le plus rationnel possible. Il faut toutefois faire attention avec les données, on peut aussi leur faire dire ce que l’on veut. Cela va également nous servir dans la gestion de la charge de travail du groupe. L’objectif est de trouver ce qui nous intéresse pour produire le jeu désiré.
MR : C’est également un support intéressant afin de quantifier la charge de travail pour la semaine. Il est délicat pour un joueur de reproduire la même quantité d’énergie au quotidien. C’est certes différent en début de saison, car nous leur demandons beaucoup, mais nous devons faire preuve d’adaptation au quotidien en proposant des exercices. Nous devons prendre en compte ces données, mesurées par les GPS, pour nous adapter.
Comment gérez-vous l’intégration des recrues, arrivées après les autres ?
AM : Nous allons faire du cas par cas, nous allons nous adapter en fonction de la situation de chacun. Que le joueur revienne de sélection, de vacances ou autre… Nous allons débuter en effectuant un bilan médical afin de savoir où en est l’athlète, puis en fonction des résultats, nous adapterons la charge de travail afin de le faire progresser et éviter ainsi une éventuelle ‘casse’ ! Le parti pris est d’intégrer les garçons le plus tôt possible à l’entrainement avec l’ensemble du groupe, mais quand il faut les sortir, nous le faisons en faisant aussi rattraper des séances par du physique modéré ou plus intensément sans prendre les risques des premiers contacts du rugby. Ce n’est jamais facile, car il y a toujours des garçons qui partent ou reviennent, d’autres qui arrivent plus tard… Le but du jeu est d’être prêt pour le premier jour de la saison !
MR : Il faut savoir y aller crescendo. Quand il arrive, le nouveau joueur a tout de suite envie d’aller dans le grand bain, s’entrainer avec les autres joueurs. Pour préserver son intégrité physique, nous sommes obligés d’y aller de façon progressive, en essayant de ne pas sursolliciter le joueur, car cela peut se payer.
Quel est votre rôle et est-ce qu’un préparateur physique est le mal aimé du staff ?
AM : Je ne pense pas ! C’est sans doute une image un peu désuète. Les joueurs le savent très bien, surtout dans notre sport car leurs qualités physiques sont inhérentes à leurs performances. Aujourd’hui, il n’existe pas de joueur performant s’il ne l’est pas physiquement. C’est-à-dire qu’il peut être le meilleur du monde techniquement, s’il n’a pas la ‘caisse’ pour produire les efforts et tenir les intensités, ce ne sera pas un bon joueur. C’est vrai que nous demandons beaucoup d’énergie aux joueurs, ce n’est jamais facile mais il y a aussi l’autre facette où nous faisons en sorte de ne pas trop en demander. Nous exigeons beaucoup lors de la pré saison : dépasser leurs limites, aller plus loin… C’est aussi comme cela qu’un groupe se construit, en étant solidaire dans le dur, dans l’effort collectif. Sur le reste de la saison, notre rôle est de faire en sorte que les joueurs soient performants le jour du match. Nous devons donc prêter attention aux charges, aux éventuelles alertes… En essayant de les préserver pour le jour du juge de paix. Les joueurs savent que nous sommes là pour les accompagner, comme des artisans qui les aident à donner le meilleur d’eux-mêmes et ils savent être aussi reconnaissant.
MR : Nous sommes là pour les préparer physiquement aux exigences du rugby professionnel. Nous avons aussi un rôle d’accompagnement avec des demandes spécifiques, qu’il s’agisse de travail de force, de vitesse… L’écoute est très importante. Nous travaillons afin qu’ils aient tous les attributs physiques pour le rugby de haut niveau. Nous ne sommes pas les mal aimés, c’est sans doute une légende… Aujourd’hui tout se passe très bien !
Quel est l’aspect de votre métier qui vous procure le plus de plaisir ?
AM : Dans un club, je pense que l’aventure humaine reste la plus plaisante à vivre. On gère un groupe, entre le staff et les joueurs, il doit y avoir une cinquantaine de personnes, et c’est souvent l’aventure qu’il y a autour qui est intéressante à vivre. Si on aborde la question sur le métier même, j’ai toujours aimé l’aspect scientifique que l’on peut amener sur le pré. Travailler la théorie et l’appliquer au quotidien de façon pratique. Et si les résultants sont au rendez-vous, c’est toujours gratifiant.
MR : L’esprit de groupe est très important. Nous collaborons une dizaine de mois ensemble en passant par tout un tas d’émotions. Ce qui me plait demeure dans l’individualisation de la pratique. Les joueurs viennent nous solliciter un par un, je pense que c’est à ce moment là que l’on peut travailler les attributs physiques particuliers mais aussi découvrir l’homme qui se cache derrière. Quand le joueur arrive à retranscrire ce travail individuel sur le terrain, c’est encore plus satisfaisant. Idem pour la gestion des joueurs blessés. Le ou les voir revenir sur le terrain, s’épanouir avec les copains apporte beaucoup de satisfaction.